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Questions à une artiste-peintre

Tu es née en 1955, à quel âge as-tu commencé à dessiner ou à peindre ?
De quelle année date ta première exposition ?
Quelles sont les récompenses qui ont couronné ton œuvre ?

J’ai commencé à peindre comme tous les enfants, très tôt. Il reste quelques peintures préservées et datées par ma maman.

J’ai ré-encadré, l’an dernier, un petit dessin représentant la famille au complet : un chien escargot, un drôle de bonhomme et un lapin. Le drôle de bonhomme m’avait étonnée. Il m’étonne toujours. J’avais 3 ans ½. Il y a beaucoup de détails, beaucoup de vie. Je suis fière de ce dessin.

Je me souviens bien de mes peintures d’enfant, de ce que j’avais dans la tête, des circonstances. Je me souviens d’un super gribouillage sur la tapisserie de la salle à manger avec un gros crayon bleu d’un côté et rouge de l’autre. A la suite de ce chef-d’œuvre, il m’a été confisqué. On me le redonnait parfois mais j’étais sous haute surveillance.

Le dessin et la peinture sont revenus en force dans ma vie lors de l’adolescence. A cette époque, je n’avais pas l’impression de vivre, j’avais l’impression que vivre dans cet univers, c’était violent, c’était passionnel, c’était désespéré. C’était un peu comme une condamnation. Je n’ai pas choisi, j’ai été prise.

A cette époque, j’ai rempli des pages, j’ai rempli des toiles sans jamais apaiser cette frénésie, bien au contraire. J’ai découvert les émaux à l’âge de 14 ans, et je n’avais de cesse de trouver de nouvelles techniques de cuisson, de nouvelles superpositions de tons.

J’ai fait une première exposition personnelle à 18 ans, sur la demande d’un professeur. Il m’a parlé du vernissage. Je me souviens, je me suis inquiétée car je croyais que ce terme signifiait plus ou moins que le fameux jour, il fallait vernir tous les tableaux. J’étais très naïve, je ne connaissais rien au monde de la peinture. Après cette exposition, j’en ai fait d’autres.

Mes récompenses sont les suivantes :

  • Prix des arts appliqués de la ville de Niort en 1974,
  • Médaille d’argent de la Chambre des Métiers de la Vienne Châtellerault 1975, 1977,
  • Prix des arts appliqués de la ville de Bordeaux en 1975,
  • Prix du Conseil Général de la Vienne à Châtellerault, 1976,
  • Prix de la Foire exposition à Poitiers en 1977,
  • Prix de la ville de Thouars en 1978,
  • Prix des jeunes,
  • Prix du Lion’s Club à Bressuire en 1981,
  • Un diplôme dans la catégorie couleur en 1985 à Châtellerault,
  • Une exposition au Centre International d’art contemporain à Paris en 1985,
  • et une exposition en galerie (galerie des Lycéarium) à Poitiers en 1986.

Après, j’ai arrêté parce qu’il n’y avait plus de place sur l’étagère….
(Par la suite, Pascale a exposé à la Rochelle, à La Roche-Posay ainsi qu’à l’Hôtel du Département à Poitiers en 2000)

 D’où te vient ton goût pour l’art pictural ?
Crois-tu à la vocation d’artiste, à l’influence du milieu ou à un juste équilibre entre les deux ? 

Je ne sais pas d’où me vient tout cela, c’est très loin. Je me souviens seulement que, petite, je jouais à rentrer dans les images, c’est-à-dire que je fixais très fort jusqu’à ce que la vision soit un peu trouble et que le relief apparaisse, alors je pouvais me balader dedans comme dans un décor. C’était un jeu absolument incroyable.

La seule différence d’avec cette période, c’est que maintenant c’est moi qui me suis mise à fabriquer les images.

Je ne crois qu’en l’art. Je pense que « qui s’y frotte s’y pique » et qu’il faut plus de cent ans pour en guérir. En d’autres termes, c’est une maladie incurable et comme toutes les maladies il y a des facteurs qui la déclenchent plus ou moins, en tout cas qui déclenchent l’amour de l’art, ça certainement. Mais en fait, il n’y a aucune raison pour que l’on soit artiste.

Quelles sont tes techniques préférées ? Pour quelles raisons ?

Alors là, toutes les techniques me fascinent et je n’ai de cesse que de les acquérir. Chacune correspond à des moments de vie, à des états psychiques, le choix du matériau, la technique utilisée, la douceur ou la rigueur du geste. Rien n’est anodin et tout semble l’être.

Au bout du voyage, c’est le mélange des techniques et leur dépassement que l’on recherche. C’est le moment où, libéré de toute contingence, on n’est qu’un mouvement qui trace, ce qui est intéressant, c’est d’arriver à cela.

 Vis-tu de ta production artistique ?

Je crois que l’on vit pour l’art et il vous le rend bien mais on ne vit pas de l’art. Ou du moins c’est dangereux parce que, très vite, on est soumis à une mode, à des goûts, à des contingences et dans les périodes creuses, eh bien on irait bien jusqu’à vendre son âme. Mais alors dans ce cas là que resterait-il ? Non, j’ai toujours eu une activité à côté qui m’assure de ne pas être obligée de me vendre. Ceci dit, j’ai vendu des tableaux et j’en ai été heureuse. C’est une rencontre extraordinaire entre deux personnes par le truchement d’une image. C’est un coup de foudre pour un bout de papier ou de toile colorée. Vous êtes dedans, on vous emporte et on vous fait vivre ailleurs. C’est à la fois absurde et merveilleux, surtout à une époque où tout est si raisonnable.

J’ai toujours vendu mes tableaux avec droit de visite ; même si je n’en use pas, mais je ne peux pas accepter l’idée d’une rupture définitive.

 A part la peinture, tu as goûté à d’autres arts. Quels sont les autres arts qui sont importants pour toi ? Le cinéma, le théâtre, la musique, la danse ?
Quels sont ceux que tu as exercés avec le plus de plaisir ?

J’ai écrit, j’ai composé des chansons d’humour noir, j’ai fait de la scène avec un groupe de jazz que j’ai dirigé. J’ai trouvé le plaisir de créer avec d’autres, en même temps que d’avoir avec le public un contact un peu différent de celui que je pouvais avoir en exposant. De tous les arts, j’aime celui de faire rire, c’est ce que je recherche ; personnellement, je pense que vraiment la plus belle chose au monde c’est d’avoir peu de temps et d’arriver à arracher des éclats de rire aux personnes qui vous regardent. Oui, j’aime les arts de la scène. Mais on ne peut pas tout faire dans une vie. On a plein de rêves, on a peu de temps mais en fait, si l’occasion se présente à nouveau, je pense que j’aurai du mal à résister.

 Si l’on t’empêchait de peindre, de quelle joie te priverait-on ?

Je crois que ma plus grande joie est de savoir que l’on ne peut pas me prendre cela.

Les toiles que tu exposes représentent-elles des scènes vécues, des paysages réels ou des moments forts de ton existence ?
Ont-elles une signification que le public doit deviner, comprendre ?
Quelles sont les réactions du public devant ton œuvre ?

Certaines de mes toiles expriment des instants de vie précis que nulle autre que moi-même ne saurait reconnaître. Seules les impressions, les sentiments se partagent. Les faits demeurent notre secret. Il est parfois vital pour nous que ces faits soient transposés mais il n’est pas utile qu’ils soient perçus. C’est l’énigme qui est intéressante, sa solution n’a aucune valeur.

Dans d’autres toiles, il y a une énigme pour moi et c’est de loin les toiles que je préfère. C’est à dire qu’il n’y avait pas de prétexte, les choses se sont organisées peu à peu, au fur et à mesure de la conception. Il m’arrive d’utiliser le réel mais je brouille immédiatement les pistes, la réalité n’est qu’un moyen, sûrement pas une finalité. Ce que j’aime, c’est qu’un tableau provoque une friction, une sensation d’instabilité sous une sérénité apparente. Que l’on ait envie de soulever un voile mais en fait que l’on n’aille pas plus loin. Il y a certains tableaux que le public n’aime absolument pas comme « la Mort abusive », il s’agit d’une mort enceinte d’un enfant qui se présente par le siège. En fait, pour moi, c’est de l’humour noir. C’était le tableau qui était amusant mais il n’a pas été du tout perçu de cette façon-là. Donc en général, mes tableaux ne laissent pas indifférent et je pense que c’est tout ce que je leur demande.

Tu exerces actuellement le métier d’art-thérapeute. Crois-tu que la pratique d’un art peut soigner les gens .
Peux-tu nous préciser ce que recouvre ce terme nouveau pour les profanes : l’art-thérapie ?

Je suis effectivement art-thérapeute, diplômée de la Faculté de médecine de Tours et je ne suis pas venue à ce métier par hasard. Je travaille avec des personnes handicapées, depuis bientôt plus de 20 ans, et je mets en place auprès d’elles des ateliers de pratiques artistiques. Ce que j’en ai retiré, c’est la conviction que l’art est un moyen de communiquer autrement, effectivement.

Mon travail d’art-thérapeute consiste à susciter, à révéler l’expression des enfants et de adultes qui me sont confiés, par le biais de techniques artistiques appropriées comme le graphisme, la peinture, la voix, le théâtre, un peu tout ce qui se regroupe sous le domaine artistique.

Alors, entendons-nous bien, l’art en lui-même ne soigne absolument pas, c’est un moyen, et en art-thérapie il est envisagé comme une technique relationnelle privilégiée qui aide le patient à mieux se comprendre, à mieux se définir et à se réaliser dans un projet qu’il élaborera en fonction de ses désirs et en fonction de ses propres choix esthétiques.

Si l’on considère une personne souffrante comme étant une personne qui est en rupture d’histoire, rupture avec la sienne propre puisqu’elle vit en hôpital où elle est retirée, comme en rupture d’avec la vie des hommes – la maladie enferme sur soi, eh bien l’art est un moyen de renouer avec la vie parce que faire quelque chose de beau, c’est entrer dans un processus dynamique, positif.

Alors le travail de l’art-thérapeute, c’est de faire naître ce désir par le biais de l’art, c’est de donner envie de vivre, envie de réaliser et envie de se projeter.

 

  1999  /  Biographie, Textes  /  Last Updated octobre 28, 2013 by admin  / 

2 Comments

  1. HUC suzanne dit :

    Interview passionnante
    En regardant une œuvre je penserai à ce que dit Pascale on ne doit pas chercher à percer le secret de l’artiste, seulement à partager ses impressions ses sentiments

  2. HUC suzanne dit :

    Interview passionnante.
    En regardant une œuvre je penserai à Pascale et ne chercherai pas à percer le secret de l’artiste mais seulement à partager ses impressions et ses sentiments.

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